Sous le titre de ‘Verger Informationel’ Dominique Annet pose les bonnes questions pour un site web d’une entreprise.
Qui est Dominique Annet ?
De ce que j’ai pu glaner sur le web, un auteur qui écrit sur la communication et le web. Combinaison bien d’aujourd’hui ! J’ai eu la chance de la rencontrer il y a quelques années  lors de sa visite à Maurice. Depuis, je la vois au moins une fois par an dans le réseau de L’APM . Elle sort en ce moment son dernier livre : ‘La pieuvre informatique’.
Je reproduis un article de Dominique elle a publié au mois de mai 2009 que je trouve très intéressant pour les sociétés  mauriciennes qui œuvrent dans la construction des sites web et des sociétés qui en on des sites. Je constate avec regret les sites web des sociétés mauriciennes qui sont aujourd’hui des arbres sans fruits et sans vie. Des Titanics enfouis au fond de la toile !
O Réussir son site web, c’est d’abord poser la bonne vision managériale
Pourquoi donc des sites web sont-ils des échecs alors que le temps et l’argent y consacrés dépassent le raisonnable ? Pourquoi d’autres, rapidement conçus et avec une bourse légère rencontrent-ils le succès et l’objectif fixé ? Pourquoi certains dirigeants ne voient-ils pas que leur enseigne virtuelle est un gouffre (de temps, d’argent, d’énergie), un instrument affaiblissant leur marque, leur renommée, l’adhésion de leurs clients, partenaires et collaborateurs ? Pourquoi d’autres, sans d’ailleurs souvent en connaître la raison fondamentale, réussissent le défi de la toile ? Non point un miracle mais une attitude en préalable à toute action de (re)création d’un espace virtuel. Attitude naturelle ou à construire et qui nécessite avant tout une compréhension. Voici donc quelques outils de réflexion pour manager allant de l’avant.
O D’abord combattre trois a-priori : l’argent, le temps, le contrat.
Lorsque je visite la toile mondiale, les sites web de mes amis et partenaires, une pointe de déprime me guette. A l’heure où beaucoup se bousculent aux portes des conférences sur les web 2.0., voire le web 3.0. (qui ne les fait que rêver), les mêmes se sont dotés d’un site même pas digne d’être porté au catalogue des sites web 1.0. Les erreurs sont si nombreuses et si grossières que j’en appelle à ce que les dirigeants posent enfin un regard critique sur leur propre réalisation. Au moins parce qu’elle leur est si vitale, ils ne peuvent la négliger. Rompons donc d’abord le cou à quelques idées fausses.
Un site web n’est pas proportionnel à la taille d’entreprise. Les meilleurs sont d’ailleurs souvent le fait de petites organisations, parce que plus souples et plus en phase avec le paradigme qui les a fait naître (nous le verrons plus loin). De plus, avec le web, les TPE disposent d’un potentiel de notoriété aussi fort qu’une multinationale.
Un bon site web n’est pas non plus dépendant des moyens financiers (et technologiques souvent y liés ). Souvent même, le trop de moyens nuit à l’efficience du web. « Ce qui a un prix n’a pas de valeur » disait Nietzsche qui s’étonnerait d’être repris en pareil contexte. Mais cela est ainsi désormais : l’efficacité informationnelle n’est pas corrélée à l’investissement financier. Certes, il faut un minimum, mais la rentabilité d’un site naîtra d’une certaine intelligence, d’une vision du web et non pas d’un portefeuille bien garni.
Un bon site web n’est pas lié à un contrat bétonné avec un quelconque fournisseur, bien au contraire, souvent ainsi cet ami brutalement perdu tout son site web suite à la faillite de son fournisseur. Internet et le web sont, dès l’origine et dans leurs fondamentaux, des espaces libres, antithèses de toute dépendance, mais qui doivent néanmoins bien s’inscrire dans une logique d’interdépendance. Quoi qu’il arrive, l’entreprise doit pouvoir préserver ses données, ses graphismes, ses contenus, ses architectures, etc … elle doit protéger la graine qu’elle a planté et fait grandir. La perte d’un site web revient à voir son usine réduite par un incendie … mais il n’y a aucune assurance en ce domaine pour en couvrir les dommages.
O Ensuite rappeler ce qui fait un bon site web : l’adéquation, la fluidité, la vision.
Des grilles d’évaluation de sites font légion, certaines meilleures que d’autres, certaines complémentaires à d’autres.
Dans ce cadre limité de cet article, je ne retiendrai que trois des items qui me paraissent devoir être prioritairement pris en considération.
L’adéquation d’un site web tant à l’entreprise [c’est-à -dire à son projet (faut-il encore qu’il fût défini vraiment, ce qui n’est le cas que pour moins de 20% des organisations), à son attente de la communication internet (quels objectifs ?), à son existant (sur tous les plans humains, matériels, méthodologiques, etc.)] que, surtout, au “monde” dans lequel elle évolue. Sur ce point, je constate que la vision de ce “monde” est erronée dans bien des cas.
La fluidité de l’espace virtuel par rapport à l’espace réel, des outils entre eux, des informations entre elles, des relations entre les contenus, le graphisme et les utilisateurs (soit la facilité de navigation, l’ergonomie, l’empathie vis-à -vis de l’utilisateur), etc. La fluidité de tous les flux en somme, et l’abandon des logiques procédurales et procédurières, donc.
La vision enfin et surtout. La réussite d’un site web efficace dépend avant tout de la vision managériale qui l’oriente. Soit-elle erronée et le site ira à la dérive, heurtant forcément un iceberg dans une mer que le capitaine croyait, à tort, dégagée.
Il y a en effet deux manières d’envisager la communication, et la communication via internet en particulier. L’une est celle du capitaine du Titanic. L’autre est celle du jardinier s’occupant de la croissance de son arbre. Une vision est mécanique, l’autre est organique. La première est celle de la société industrielle finissante du XXème siècle , la seconde est celle de la société noétique (de la connaissance) naissante du XXIème siècle .
O Quelles différences, direz-vous ? Autant qu’entre un gouffre et une montagne !
La vision mécanique est celle du manager du XXème siècle qui est, qui pense et qui fait … de la gouvernance compliquée, des organigrammes, du pouvoir vertical, des tableaux de bord (analytique), de la sous-traitance (avec des intermédiaires) et qui (pense qu’il) vend, achète, gère des produits matériels (même quand ils ne le sont pas).
La vision organique est celle du manager du XXIème siècle qui est, qui pense et qui fait … du management tribal (il est le patron familial d’une communauté … même s’il est patron d’une multinationale), réticulé (son pouvoir est horizontal, il est le centre d’un réseau), opportuniste (il est intuitif, active son cerveau droit), intégratif (le web est un relais et fait partie d’un ensemble plus large) et il vend, achète et gère des produits immatériels (même quand ils sont apparemment matériels) c’est-à -dire de l’intelligence.
Entre les deux, il y a bien plus qu’un jeu de nuances : un saut de paradigme, un changement d’époque, de monde … Et sage est celui qui accepte que lorsque l’environnement change, il est préférable de s’adapter, si ce n’est naturellement, au moins en faisant quelques efforts. Une simple question de … survie. Aller vers le gouffre ou le sommet de la montagne. Chacun choisira sa destination …
O Votre site web est un arbre
Le web n’est donc pas un outil compliqué, unidirectionnel, vertical, nécessitant des tas d’intermédiaires, et surtout il n’est pas une machine. Le web n’est pas un Titanic. Celui-là coula à pic alors qu’on le croyait insubmersible !
Le monde du web est celui des jardiniers et non pas des ingénieurs. Il vit de graines, multiples, plantées aux meilleurs endroits, croissant selon le soleil et l’eau dont elles profitent. Une graine n’est pas de fer comme il en est d’un boulon. Elle est vivante, née d’une conception, d’une volonté de vie, d’une énergie de croissance. Elle a à se déployer, à aller au
bout d’elle-même. Le dirigeant doit la vouloir forte, souhaiter une pousse résistante aux tempêtes. Il doit aussi accepter son cycle de croissance, ne pas attendre avant de la mettre en terre (de crainte qu’elle ne meure avant même d’être plantée), lui apporter à chaque moment les éléments nutritifs nécessaires, y prêter chaque matin son attention, couper les branches qui l’affaiblissent dans sa croissance, renforcer son tronc, cueillir ses fruits et faciliter son ensemencement. Car une graine devenue petit arbre, puis grand arbre, ayant produit feuilles et fruits, un jour meurt. Ainsi, en va-t-il de toute vie. Mais l’arbre peut disparaître en donnant la vie, à la condition qu’on lui ait permis de déposer, à son pied, quelques graines dans un terreau prêt à les accueillir.
Comme les budgets, le temps de conception d’un site web peut en effet aller du plus court au plus long. Et ce ne sont pas les compétences de l’informaticien, du communicateur, du webmaster, ou de tous autres intervenants qui sont en jeu (du moins s’ils disposent bien des compétences requises dans leur domaine), ce sont encore moins le nombre d’euros investis ou le nombre de technologies et serveurs acquis. Ce qui fait la différence dans l’efficience, c’est-à -dire le meilleur rapport qualité/prix, la meilleure chance de faire « un bon site web », c’est la vision managériale de ce qu’est le web et donc le monde d’aujourd’hui. Et au-delà d’une correcte vision, sa capacité de mise en actions en cohérence avec cette vision.
Le dirigeant est donc jardinier. « Mais je n’ai pas le temps de m’occuper de cela » réagit-il. Certes, il a d’autres choses à assurer que la gestion de son web. Son métier est bien d’abord de clarifier et d’animer une vision, un projet d’entreprise et de trouver les ressources pour le mener à bien. Mais il doit être convaincu de ceci : cette enseigne virtuelle est vitale pour son entreprise. Sans enseigne (ce qui devient rarissime) ou avec une mauvaise enseigne (ce qui est le cas pour la plupart), il hypothèque son projet et sa propre fonction.
S’il n’est pas jardinier lui-même, il lui faut s’adjoindre un jardinier, un bras droit à qui il fait confiance et donne des outils, et auprès de qui il s’enquiert régulièrement de la croissance de son arbre. Comme le DPH (directeur des potentiels humains, encore nommé trop souvent DRH) a rejoint son cercle intime de management, le DPI (directeur des potentiels informationnels, et non pas DSI, directeur des systèmes d’information récupéré par la direction informatique), jardinier de l’information, sera aussi à ses côtés. Sans ce double appui -les talents et l’information étant désormais les deux ressources vitales à toute entreprise-, le management se condamne à régresser.
Ce jardinier ne sera donc ni informaticien, ni communicateur. Il sera, quelle que soit sa formation, l’artisan d’un système (complexe) d’informations. Il aura une vision globale et prospective, il aura ce souci de gestion « en bon père de famille », évitera les modes coûteuses qui ne font que quelques éclats médiatiques (dont presque plus personne n’a que faire). Il disposera d’une graine (la volonté du dirigeant d’entreprise de faire croître son enseigne), étudiera le terrain (le projet de l’entreprise, ses ressources humaines et technologiques, l’état de réceptivité des publics, etc.), trouvera les ressources indispensables (supports technologiques, rédacteurs en ligne, animateur permanent, etc.) et créera l’enseigne.
Je suis étonnée, choquée souvent, de constater le nombre d’enseignes virtuelles plus mortes que vives alors qu’elles sont vitales pour les entreprises. Elles sont là , laissées à l’abandon, à peine arrosées, considérées comme «fabriquées » une fois pour toute, immobile durant une période voulue la plus longue possible, comme le serait un Titanic à quai, juste entretenu d’un peu d’huile dans les rouages. A perte de vue, je vois des forêts d’arbres mourants, et aucun jardinier au travail. Presque toujours trop tard, le patron constate la catastrophe. Il se précipite chez un plombier, un réparateur : une réparation s’impose d’urgente ! Il paie le prix fort. Il paie son manque d’attention, sa vision erronée de ce qu’est le web, il paie … son erreur de management. Pardon d’être sincère pour les dirigeants qui pourraient me lire mais à leur décharge, la vision proposée ici n’est guère promue par les mécanos de l’informatique technique. Et comme, le plus souvent, il frappe à la mauvaise porte, celle d’un plombier-informaticien qui ne comprend rien à la logique communicationnelle, l’entreprise paiera le prix fort car elle paiera deux fois puisque le résultat ne sera pas à la mesure de son attente, qu’elle sera déçue et qu’elle sera encore plus résistante au prochain changement qu’elle aura, de toutes façons, à faire.
Que de temps, que d’énergie, que d’intelligence gâchées !
Car que cherche une entreprise ? A aller au bout d’elle-même. Elle veut mieux vendre à de meilleurs clients, séduire et préserver des collaborateurs talentueux, fidéliser ses bons partenaires et fournisseurs. Elle sait que c’est à ces conditions que sa survie sera assurée. Pourquoi donc tant d’entreprises mettent-elles en péril leur enseigne, scient-elles elles-mêmes la branche sur laquelle elles sont assises, formalisent-elles leur propre repoussoir ?
Par manque de connaissances de ce que devrait être la communication, par manque de compréhension véritable du monde du web, par la confusion née de leurs rencontres avec ceux qui s’autoproclament professionnels du web alors qu’ils ne sont que des informaticiens, et par manque, naturellement, d’un jardinier du web, de ce nouveau DPI, directeur des potentiels informationnels.
La clé est dans cette question : est-il possible qu’un dirigeant, même s’il a tant d’autres choses à faire, puisse regarder le web, non plus comme un outil, comme une tuyauterie, comme un Titanic … mais comme un arbre, voire un jardin ou une forêt ? Accepte-t-il qu’un nouveau métier soit né ? Pourra-t-il devenir ou s’adjoindre l’indispensable “jardinier” de son verger informationnel ?
Eléments familiers de nos paysages matériels, les arbres sont des êtres vivants qui, comme tous les être vivants, naissent, grandissent, se reproduisent et meurent.
Eléments familiers de nos paysages immatériels, les sites web sont des êtres vivants qui, comme tous les êtres vivants, naissent, grandissent, se reproduisent et meurent.