Dimanche dernier j’ai eu la grande joie d’assister à ma messe dominicale à La basilique de Fourvière. Un magnifique édifice du XIXe siècle inscrit sur la liste de patrimoine de l’Unesco.
J’étais éblouie par la richesse du lieu et par le travail fin et harmonieux de l’œuvre.
La congrégation fêtais ce dimanche, les béatifications de Louis et Zélie Martin. Ce fut également une nouvelle découverte. Je me suis empressé de me documenter sur ce couple qui a été reconnus bienheureux qu’en 2008. Dans son homelie le celebrant avait commenté sur la vie du saint couple.
Louis Martin (1823-1894) et Zélie Martin (1831-1877) ont été béatifiés dimanche 19 octobre à Lisieux. Qui étaient les parents de sainte Thérèse et que peuvent-ils transmettre aux familles d’aujourd’hui ?
«C ’est d’abord l’histoire d’un couple. Un couple d’une réelle modernité. » L’histoire de Louis et Zélie Martin, Guy Fournier, chargé de la communication du diocèse de Séez (Orne), pourrait en parler des heures. Mgr Bernard Lagoutte, recteur du sanctuaire de Lisieux, abonde dans le même sens : « Bien que le monde ait changé, leurs bonheurs et leurs malheurs nous rejoignent. Ils deviennent nos amis, nos parents… La proximité que nous vivions déjà avec sainte Thérèse nous fait entrer dans celle de sa famille. »
Si le couple alençonnais suscite une dévotion croissante, c’est sans nul doute en raison de l’abondante correspondance familiale, surtout celle laissée par Zélie. Des lettres qui laissent penser que « Thérèse est bien la fille de ses parents », comme le résume joliment le P. Olivier Ruffray, vicaire épiscopal du diocèse de Bayeux-Lisieux. « Celle-ci a su glaner, dans la joie comme dans la douleur, tout ce dont elle avait besoin pour pouvoir vivre et grandir dans cet amour qui unissait ses parents », souligne-t-il.
Certes, Thérèse les a incontestablement mis en valeur – surtout son père, car elle a peu connu sa mère, morte quand elle-même avait 4 ans et demi –, mais ils ne doivent pas pour autant leur sainteté à leur fille. Loin de là . En fait, « ce serait même plutôt l’inverse », assure Mgr Lagoutte, pour qui « c’est le milieu familial qui a été porteur ».
“Cette béatification suscite un intérêt bien au-delà de la France”
Porteur, le témoignage des époux Martin continue de l’être aujourd’hui, à en croire le recteur du sanctuaire normand. « Ce qui va se passer dimanche dépasse largement Lisieux, prévient-il. Cette béatification suscite un intérêt bien au-delà de la France. Je dirais même que nous sommes loin d’être en tête de peloton ! » Ainsi, les premiers à avoir accordé de l’attention à Louis Martin sont les Australiens. En Floride, où l’on milite déjà pour la canonisation du couple, ce sont 75 000 images de Louis et Zélie qui ont été commandées ! Les Irlandais, quant à eux, organisent depuis plusieurs années déjà un dimanche de prière afin de favoriser leur béatification. « En toute franchise, confie Mgr Lagoutte, je n’ai jamais rencontré un tel zèle dans le diocèse de Bayeux et Lisieux ! »
Étonnante fécondité d’une famille de la petite bourgeoisie provinciale, comme il y en avait tant dans la France du XIXe siècle. Louis Martin naît à Bordeaux en 1823. Enfant de troupe, il mène d’abord une jeunesse itinérante, avant que ses parents ne se fixent dans l’Orne, à Alençon. Renonçant à une vocation religieuse, il décide en 1850 d’y ouvrir une bijouterie-horlogerie.
Louis partage son temps entre son métier et ses loisirs (pêche, billard, voyage…). Il lui arrive même de « boursicoter », note Mgr Lagoutte : « En ces temps de crise, je conseille aux financiers de prier Louis Martin pour les aider à faire face ! », plaisante-t il. Louis mène par ailleurs une vie spirituelle fervente, nourrie d’engagements sociaux concrets, notamment au sein des Conférences Saint-Vincent-de-Paul.
Un amour solide et durable
Un jour, sa mère, qui s’inquiète de le voir encore célibataire, lui parle de Zélie Guérin. Les clichés d’époque laissent apparaître une jeune femme au teint diaphane, dont le doux sourire empreint de mystère n’est pas sans évoquer celui qu’immortalisera plus tard la plus illustre de ses filles. Hasard ou providence ? Zélie a elle aussi abandonné l’idée de devenir religieuse et tient désormais une boutique de dentelles. Les deux artisans se rencontrent pour la première fois en avril 1858. Ils se marient quelques mois plus tard, le 13 juillet.
Zélie a 27 ans. C’est le début d’un amour solide et durable, malgré la maladie et la mort. De 1860 à 1873, sur neuf naissances, quatre de leurs enfants mourront en bas âge. Et dès 1865, Zélie doit lutter contre un cancer du sein qui l’emportera douze ans plus tard, à 46 ans. Veuf très tôt, Louis rejoindra alors Lisieux pour se rapprocher de sa belle-famille et se consacrer à l’éducation de ses cinq filles. Lui-même atteint d’une pathologie cérébrale, il finira interné à l’hôpital psychiatrique. La dureté de sa fin de vie pèsera beaucoup sur les siens.
« Leur vie commune ne dura que dix-neuf ans, relèvent Alice et Henri Quantin, auteurs d’une biographie des époux Martin (1). C’est assez pour se sanctifier l’un par l’autre, mais cela interdit de réduire leur existence à cette période. » Au fond, qu’est-ce qui, dans l’expérience du couple, justifie leur béatification ? Pour Guy Fournier, l’exemplarité des époux Martin tient en un mot : l’unité. « Cette unité, ils ont su la bâtir entre leur vie spirituelle, familiale et sociale. En cela, ils peuvent éclairer les familles de 2008, à l’heure où nous avons tendance à fractionner nos vies. » Leur ciment, ce fut donc cette foi, indéfectible et contagieuse, dont Thérèse parlera souvent dans ses écrits : « Le bon Dieu m’a donné un père et une mère plus dignes du Ciel que de la terre. »
« Ce sont des chrétiens de la vie ordinaire »
Dans ses lettres, Zélie, qui trouvait bien « triste une maison sans religion », ne dément pas cette réputation. Chaque jour, les époux se rendent à la messe aux aurores. Louis pratique l’adoration nocturne. On prie en famille. Cette ferveur n’est jamais déconnectée d’une attention constante aux autres – domestiques, voisins ou connaissances –, elle en est même la source. « Quand Papa avait communié, il restait silencieux sur le chemin du retour, raconte Céline Martin. “Je continue de m’entretenir avec Notre Seigneurâ€, nous disait-il. » Et, malgré les deuils successifs, les parents s’efforceront toujours de « remettre toutes choses » entre les mains de Dieu, et « d’attendre les événements dans le calme et l’abandon à sa volonté », écrit encore Zélie.
Pour autant, insiste Mgr Guy Gaucher, ancien évêque auxiliaire de Bayeux et Lisieux, « ce n’était pas un foyer sinistre ! ». Pour couper court aux clichés, ce carme, spécialiste thérésien, évoque la chaleur des veillées familiales, les sorties et les promenades… Le bonheur, en somme. Certes, note-t-il, Louis et Zélie ont eu leur lot d’« épreuves ». Mais « ils les ont traversées avec un courage, une foi, une espérance et un esprit missionnaire ». Au fond, « ce sont des chrétiens de la vie ordinaire », se plaît-il à répéter.
« Des saints de l’escalier », renchérissent les époux Quantin dans leur ouvrage, en contre-pied à l’image d’« ascenseur pour le ciel » popularisée par Thérèse. « Zélie et Louis n’ont donc été ni rose bonbon, ni noir mouroir, ni “étonnamment modernesâ€, ni “graves ringardsâ€, ni anges vaporeux, ni démons dangereux. Ils ont aimé, voilà tout. Ils ont aimé comme Thérèse l’a défini et vécu : en donnant tout et en se donnant eux-mêmes. »
François-Xavier MAIGRE