Somme tout, j’ai eu une journée éprouvante physiquement mais combien réconfortant au point de vue intellectuel. Un jeudi matin avec un réveil matinal à 6 heures et un départ précipité vers Port Louis pour éviter la circulation afin d’arriver à l’hôtel Le Labourdonnais avant 7.30.
Un vrai bonheur de rencontrer le conférencier philosophe Bertrand Vergely et de vivre avec lui quelques heures le partage de sa passion : la philosophie. Sur le thème de ‘Sens de Vie’, il nous explique en 6 bonnes heures en termes simples le pour quoi et comment homme fait sens des sa vie. Il est certainement d’une positivité que le monde d’aujourd’hui pendant ces moments de crise financière, a besoin d’entendre. Un baume que beaucoup qui voit un monde assombri dans l’avenir devrait entendre. Une lueur d’espoir !
Je le plaisir de présenter ce matin un exposé de Bertrand Vergely sur la vulnérabilité.
La vulnérabilité : une opportunité ou un danger pour l’entreprise ?
Bertrand VERGELY est ancien normalien et agrégé de philosophie, il enseigne à Sciences Po à Paris et à l’institut de théologie orthodoxe de Saint-Serge (fondé à Paris en 1925).
En préambule, Bertrand Vergely définit la philosophie comme la lumière qui éclaire la vie, qui permet d’ouvrir les yeux sur les signes cachés, qui permet d’avoir une vision et un univers parlant.
Elle peut s’appliquer à la vie quotidienne car l’existence est originale et surprenante. Elle offre une vision ternaire parce que l’Homme est un être transcendant, il n’existe pas d’opposition par le fait qu’il y a de la place pour tout. Enfin, elle permet de sentir de l’intérieur car on ne demande pas à l’Homme d’être intelligent mais d’être vivant.
La question de la vulnérabilité, c’est celle des passages, celle de sortir des blocages dans lesquels nous sommes enfermés.
Nous sommes à cheval entre le monde matériel et spirituel et nous devons transformer nos faiblesses en force pour entrer dans la liberté. L’essence du monde est harmonie.
Etre vulnérable, c’est être blessé, atteint dans ce qui fait perdre la médiation entre l’intérieur et l’extérieur. L’humanité est blessée. Pourquoi la vie qui est si belle peut-elle être si douloureuse ?
Ce qui est beau dans la vie, c’est la force de se défendre, d’être capable de faire la guerre comme la paix. C’est l’état intérieur de quelqu’un qui sait ce qu’il veut, qui est déterminé. Car la vie est un rapport de force dans laquelle l’énergie doit être maîtrisée pour qu’elles deviennent intelligentes et transcendantales.
La blessure est une hémorragie de force, une mauvaise gestion entre l’intérieur et l’extérieur, (je me laisse impressionner par l’extérieur). Rester fort, c’est rentrer en soi même, un grand art de la vie, le contraire de la blessure. La vraie force, c’est l’Homme déterminé moralement et mentalement. Etre fort, c’est assumer cette force, le côté masculin qui construit le monde. Mais il est important de dire aussi que la vulnérabilité est magnifique par son côté féminin. C’est l’aspect de celui qui a enlevé la cuirasse, de celui qui arrête de se protéger dans une citadelle. Etre dans sa vulnérabilité, c’est accepter sa limite personnelle, sa fragilité devant l’infini, sa sensibilité faîte de douceur, de légèreté, de délicatesse. Car les hommes aiment leur vie, recherchent le bonheur par l’expérience de la sensibilité.
Autant que le masculin et le féminin, le Ying et le Yang, la vie a besoin des contraires sans être contradictoire, une introduction du 3ème tiers, celui de l’équilibre, de l’harmonie.
La vulnérabilité, constituée de 2 opposés, un aspect négatif, une faiblesse dangereuse et un côté positif, le plus haut état de la vie.
Etre vulnérable, c’est être dramatiquement faible. Mais qu’est ce qu’être fort ou faible ?
La force est la capacité de l’homme à établir un équilibre entre l’extérieur et l’intérieur. Si l’extérieur dévore l’intérieur, l’homme devient esclave d’une situation, dans le cas contraire, il devient tyran mais dans les deux cas, il renonce à lui-même. Inconsciemment il est séduit par ces relations de tyrannie et d’esclavage qui sont pourtant contraires à ses intérêts. L’homme vulnérable est donc un homme victime d’un phénomène d’emprise contre lequel il n’arrive pas à lutter.
Comment sortir de cette vulnérabilité ?
Les êtres forts sont les êtres qui ont trouvé en eux même les ressources qui leur permettent d’avoir confiance en eux indépendamment des circonstances, et de résister au renoncement. Il importe donc de tout faire pour trouver ces ressources intérieures et pour établir cet équilibre entre le monde intérieur et le monde extérieur.
La vulnérabilité positive : le plus haut état de la vie.
S’ouvrir au monde, c’est sortir de soi même, s’avancer « nu » face à la vie, sans préjugés ni méfiance, afin de vivre toutes les expériences, de capter toutes les informations, qui seront ensuite autant de matière à la créativité.  S’ouvrir au monde, c’est aussi manifester haut et fort son désir, choisir et qui dit choisir dit aussi renoncer et donc entrer en conflit. Il importe donc d’assumer cette situation de conflit, et de se mettre dans cette position de fragilité qui est compensée par l’immense potentiel de vie que cette dynamique permet.
Nous sommes donc en face d’un paradoxe :
Pour être fort, il faut fuir la vulnérabilité négative et lutter contre les tentations de renoncement à soi. Mais il faut aussi chercher l’état de vulnérabilité positive, et ce afin de pouvoir découvrir et utiliser nos propres sources de vie, nos énergies, qui sont extraordinaires.
Passer les 3 épreuves
– Passer l’épreuve du masculin, celle de la maîtrise de la force, du goût du pouvoir, de celui qui blesse. C’est aussi s’approprier la vie, d’être capable de se battre et de se défendre, de construire le monde.
– Passer l’épreuve du féminin, celle de ne pas se laisser absorber, se perdre, se laisser fasciner par le fusionnel. C’est également avoir le sens des détails, l’attention à l’autre, l’écoute, l’accessibilité et la subtilité des liens entre les évènements.
– Tenir en équilibre le féminin et le masculin pour répondre à la question de la vie et de la mort, pour développer un équilibre créateur.
« Si vous voulez diriger une entreprise, ne faites rien », ou du moins mettez votre pouvoir de côté, trouvez votre place pour devenir le collaborateur des forces qui agissent dans l’entreprise, vivez en paix avec vous-même pour le bonheur de votre entreprise.
Etre vulnérable, c’est combiner les forces et les faiblesses, c’est être humble et maîtriser son charisme en acceptant ses limites pour rassurer les collaborateurs en revenant à la réalité.
En étant sensible, l’Homme découvre l’autre partie de son intelligence, vivante et dynamique et qui peut lui poser problème par un manque de maîtrise. Vouloir dominer, c’est refuser qu’à chaque jour suffit sa peine alors qu’il conviendrait de faire confiance en demain, dans les courants de la vie.
L’intérêt de réunir les forces et les faiblesses dans un équilibre n’est pas de s’endormir mais de pouvoir commencer, car rien ne peut débuter dans le malheur. Il existe des épreuves négatives qui nous épuisent et d’autres qui sont créatrices.
Dieu, Descartes, La Fontaine et Pascal :
La foi est dans un principe ternaire, Dieu – L’Homme – La vie
Descartes développe la philosophie de la vulnérabilité, celles des limites.
– 1ère règle de morale : Le respect de la loi et de la religion de mon pays
– 2ème règle : Vouloir n’importe quoi plutôt que de ne rien vouloir. Avoir la volonté car c’est la générosité
– 3ème règle : Changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde. Ne pas demander l’impossible, la limite, c’est la réalité dans laquelle nous vivions.
– 4ème règle : Méditer tous les jours les 3 règles précédentes.
La Fontaine parle lui aussi des limites dans le chêne et le roseau.
– 1er principe : Il vaut mieux être faible ou adaptable parce que l’on ne casse pas
– 2ème principe : Il n’y a pas d’opposition entre force et faiblesse mais entre la folie et l’orgueil et le bon sens.
– 3ème principe : C’est parce que le roseau a renoncé à la folie qu’il peut être dans sa grandeur.
Pascal et le roseau pensant.
– L’homme est le plus faible de la nature mais il en a conscience alors que le monde ne le sait.
– L’homme n’est rien dans l’univers mais aussi, il est tout parce qu’il peut penser sa position dans l’univers.
Descartes, La Fontaine, Pascal  font confiance au bon sens et peut être pourquoi pas Dieu aussi.
En conclusion :
N’ayez pas peur de faire des choses simples, parce que c’est là que se trouve les trésors cachés de la vulnérabilité. Ce n’est pas une affaire de solutions mais de vie. Nous sommes forts lorsque nous avons accepté ce que nous sommes, nous sommes vulnérables lorsque nous n’avons pas accepté nos limites.
Les Hommes sont faibles lorsqu’ils ne sont pas reliés à eux-mêmes.